mardi 23 juin 2009

De l'Internet


Avez-vous lu ça? Foglia en parlait dans son article d’aujourd’hui que j’ai – ironiquement – lu sur Cyberpresse.

Ça me rappelle un peu le cours de Jean-Claude Guédon que j’ai suivi à l’hiver 2008. La thèse principale qu’il défendait était que les technologies modifient inévitablement la diffusion de l’information et, par conséquent, notre façon d’y avoir accès, de voir le monde qui nous entoure et, par extension, notre façon de penser. Internet, disait-il, a un effet comparable à l’invention de la presse. Des outils technologiques forment des façons de communiquer, forgent le langage, forcent notre pensée.

L’analyse de Nicholas Carr va plus loin. Naviguer sur Internet, plaide-t-il, entraîne une nouvelle façon de lire. La vitesse est de mise, l’accessibilité à l’information doit être rapide. Peu de temps pour la réflexion. Trouver tout, tout de suite. Mettre la main sur des textes. Collectionner les hyperliens. Naviguer de pages en pages. S’arrêter peu, faire défiler rapidement l’information. Tel est le portrait du lecteur du 21e siècle.

A pathologist who has long been on the faculty of the University of Michigan Medical School, Friedman elaborated on his comment in a telephone conversation with me. His thinking, he said, has taken on a “staccato” quality, reflecting the way he quickly scans short passages of text from many sources online. “I can’t read War and Peace  anymore,” he admitted. “I’ve lost the ability to do that. Even a blog post of more than three or four paragraphs is too much to absorb. I skim it.”

Pessimiste? Peut-être. Réaliste? Un peu quand même. L’article est long. Je me suis forcée à le lire au complet. Pour ne pas lui donner raison. Reste que j’ai dû recommencer quelques fois parce que, tiens, il pointe vers un autre texte, je vais aller voir le site de l’illustrateur, je pense au commentaire que j’écrirai ici...

Quand j’étudiais en Littérature comparée, de grands professeurs m’ont fait réalisé que la pensée n’est pas immuable. Les gens d’aujourd’hui ne pensent plus comme ceux d’il y a 300 ans. Je vous laisse sur ce passage, un peu troublant, qui explique peut-être pourquoi :

When the mechanical clock arrived, people began thinking of their brains as operating “like clockwork.” Today, in the age of software, we have come to think of them as operating “like computers.” But the changes, neuroscience tells us, go much deeper than metaphor. Thanks to our brain’s plasticity, the adaptation occurs also at a biological level.

3 commentaires:

  1. Avant même que l'internet existe, j'avais un cerveau surexcité, j'étais une championne de la digression et de l'art de poser une question à voix haute, de raisonner et de me répondre moi-même; cependant, et c'est souvent ce que j'ai à reprocher à ceux qui prétendent qu'internet a fait de nous des lecteurs paresseux, un cerveau, ça s'entraîne, lire Les frères Karamazov, ça demande un effort, un effort d'endurance.

    On le conçoit bien en ce qui concerne le sport, la course, les marathons, le tourisme cycliste : on ne peut pas traverser un lac à la nage sans avoir auparavant traversé plein de piscines plein de fois.

    D'ailleurs, personne ne s'attend à ce que je lise Les frères Karamazov d'un trait : ça se fait par étapes.

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  2. C'est drôle, on parlait justement l'autre jour de la lecture (je disais que je lisais beaucoup ces temps-ci, et que ça me donnait le goût de lire plus, toujours). Cet article de Foglia tombe bien.

    Je crois par contre que de poursuivre une lecture à la fois cohérente ET digressive, au gré du lecteur et de l'hypertexte qu'il choisit de lire, demeure un indice de la polyvalence et du potentiel cognitif du cerveau. Que tu lises l'article du Atlantic Monthly, comme moi, en t'interrompant pour visiter le site Internet en lien par exemple, montre que tu es active dans le processus cognitif.

    Je crois que ce qui inquiète les gens (surtout ces professionnels des médias "généralistes" comme Foglia), c'est l'entropie derrière cet explosion d'offre et de demande. Si un épicier du début vingtième offrait une douzaine de fruits et légumes, les gens connaissaient un nombre proportionnel de façon de les apprêter. Aujourd'hui, on passe aux Fruits Fleury et les recettes nous paraissent innombrables. On finit par en choisir une ou deux ou trois, mais je suis convaincu que notre éventail est plus grand que le consommateur du début vingtième malgré tout.

    Il n'en tient qu'à nous d'enrichir nos connaissances, de nous négocier dans le tas d'information. Comme dit Alexie, c'est une affaire d'exercice.

    De là à être "inquiet" pour le sort du lecteur de tout genre, c'est plus une question de nostalgie (ce qui n'est vraiment pas atypique chez Foglia, soit dit en passant) que de réelle préoccupation.

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